Lynx : un retour à pas de velours

Par : Sandrine Anselmetti

Autrefois, le lynx, plus grand félin d’Europe, peuplait tous les massifs français. La régression des forêts, la raréfaction de ses proies et les persécutions dont il a été victime ont conduit à sa disparition au début du XX^e siècle. Des réintroductions dans les années 1970 ont permis son retour progressif, d’abord dans le Jura suisse, puis dans les Vosges et les Alpes.

En Isère, la première observation date de 1976, avec des preuves plus nettes à la fin des années 1980. Aujourd’hui, entre 150 et 200 lynx vivraient en France, dont une dizaine en Isère. En 2024, trois reproductions ont été constatées en Chartreuse, et des pièges photo ont permis d’attester des passages ponctuels en Belledonne, dans le Vercors, mais aussi dans le Nord-Isère, en l’Isle-Crémieu, et dans les Chambaran. Cependant, leur essor reste limité par le morcellement des régions boisées : les routes et les zones urbanisées constituent autant de dangers et de barrières empêchant leur circulation. 

Le lynx est un prédateur solitaire et territorial… et son territoire peut atteindre de 100 à 400 km² ! Mâles et femelles ne se rencontrent que brièvement à la saison des amours, entre février et avril. Durant cette période du rut, on peut entendre le lynx feuler pour attirer son ou sa partenaire. Étant donné l’étendue de son territoire, il est difficile de l’apercevoir ; et son pelage brun-roux tacheté de noir, tenue de camouflage naturelle, le rend encore plus discret. 

Si toutefois vous avez la chance d’en apercevoir un dans la nature, il y a de très grandes chances pour qu’il ne s’enfuie pas. Sans peur ni agressivité, il prend le temps d’observer, puis s’en va. Le lynx n’attaque jamais l’homme.

Carnivore strict, il chasse à l’affût ou à l’approche, se nourrissant principalement de chevreuils et de chamois. Jeunes cerfs, marcassins, renards, lièvres ou encore martes constituent le reste de son régime alimentaire. Le lynx consomme de 1 à 3 kilos de viande par jour et peut revenir se servir sur la même proie durant cinq jours. Afin de la cacher des charognards, il la recouvre de feuilles, de terre ou de neige. Son impact sur l’élevage reste une source d’inquiétude. Toutefois, le lynx préfère les proies sauvages et ne cible que rarement les troupeaux.

Classé « en danger » sur la liste rouge des espèces menacées, le lynx reste vulnérable, bien que protégé. Plusieurs menaces pèsent sur lui : les collisions routières, principale cause de mortalité ; les éliminations illégales, par tir ou empoisonnement ; et la fragmentation des habitats forestiers, qui limite le brassage des populations et peut entraîner à terme un affaiblissement génétique.

Pour garantir l’avenir du lynx en Isère, il est crucial de renforcer la connectivité entre les massifs avec des corridors biologiques – le Département s’y emploie avec la création de passages à faune – et de sensibiliser les habitants à son rôle écologique. Autant de moyens de favoriser son retour durable et la pérennité des écosystèmes qu’il incarne.

Source : Article rédigé avec la collaboration de Laurent Desvignes, président de l’Observatoire des carnivores alpins et correspondant du réseau national Loup-lynx.

Le lynx et le chat forestier ont comme un air de famille, mais ne peuvent être confondus. Haut sur pattes, le lynx mesure de 50 à 70 centimètres au garrot, soit la taille d’un berger allemand. Il est reconnaissable aux poils en « pinceaux » au bout de ses oreilles, à son pelage plus ou moins tacheté, à sa queue courte se finissant par un manchon noir et à ses « favoris » des longs poils qui bordent ses joues. Ses pattes arrière sont plus longues que les pattes avant.